Notre interview exclusive de Bruno Cathala 

17/11
Partager Imprimer 
illustration Monsieur Bruno Cathala, célèbre créateur de jeux que l'on ne présente plus (Guerre et Bêêêh, Mow, Iglu Iglu, Les Chevaliers de la Table Ronde, Du Balai ! , Senji, Mr Jack, Dice Town, Jamaïca, Cyclades ou encore les tous récents Trollland et Sobek et j'en passe, ..... sans compter les extensions), nous a fait l'honneur d'accepter, du haut de sa montagne, une interview, juste pour nous ! Oui, oui !

L'Etoile du Jeu : Bonjour Bruno des Montagnes !
Tout le monde a bien compris que la Savoie t'a inspiré «Iglu Iglu », «Mow » et «Trollland ». Mais pour les autres jeux, quelles sont tes sources d'inspiration ?


Bruno Cathala : Alors tout d'abord, je ne vis pas en Savoie, mais en Haute-Savoie. Et, aux dires des locaux les plus extrémistes, ça fait une vraie différence, puisque la différence entre Savoie et Haute-Savoie est, à leurs yeux, la même qu'entre couture et haute-couture. Mais bon... ne nous attardons pas sur ces considérations que seuls les natifs consanguins sur plusieurs générations peuvent comprendre.
Toujours est-il que si MOW est effectivement une thématique d'inspiration locale et champêtre, Iglu Iglu est né d'une idée de mécanisme de plateau disparaissant peu à peu (et donc la fonte de la banquise s'est vite imposée comme le thème adéquat), tandis que Trollland est ma réponse à une actualité politique nationale à peu près aussi nauséabonde que les Trolls.
Mes sources d'inspiration sont donc diverses et (a)variées.
De mes lectures (romans, BD, articles de presse) en passant par le cinéma.
Et bien sûr, c'est nécessairement important, les autres jeux dont je me nourris, non pas pour les copier, mais pour en intégrer inconsciemment la substantifique moelle, qui sera régurgitée plus tard de façon différente et inconsciente dans mes créations.

L'Etoile du Jeu : Depuis des années tu multiplies les partenaires, mais également les formats et les supports (puisque Kamon est disponible sur la tablette électronique estampillée d'une pomme). Tu sembles sans cesse à la recherche de nouvelles expériences ?

Bruno Cathala : Il n'y a rien de vraiment planifié dans tout ça. Je vogue au gré de mes envies et des rencontres que je fais.
Et c'est sans doute un des aspects les plus agréables de ce métier, c'est que j'y ai fait, et y fais encore de vraiment belles rencontres, sur le plan humain.
Quant aux supports... j'ai toujours pensé que le jeu pouvait revêtir des formes multiples, et qu'il n'a aucune raison de le cantonner à tel ou tel support.
Aujourd'hui, on assiste à une explosion du support de type tablette (iphone, ipad, etc) et demain, très vite, je suis persuadé qu'on va arriver à des tables de salon.
D'une part, j'ai une vraie attraction personnelle pour ce genre de support, et d'autre part, ça relèverait presque de la faute professionnelle de ne pas s'intéresser de près à ce qui sera le quotidien de demain.
Par contre, pour l'instant, sur ces supports électroniques, on assiste à des portages de jeux existant déjà sous forme pion/plateau/cartes.
Ce qui m'intéresse vraiment, ce serait de tirer parti de la spécificité de chaque support. A savoir créer des jeux de plateaux non adaptables en électronique, et des jeux sur tablette non adaptables en plateau...
Enfin, au niveau des nouvelles expériences, avec Antoine Bauza, nous nous sommes laissés séduire par le premier projet d'édition communautaire avec un petit jeu drôle, rapide et malin, Witty Pong.
Si vous voulez devenir notre éditeur, vous pouvez souscrire sur le site www.mywittygames.com
On a besoin de vous !

L'Etoile du Jeu : On te voit régulièrement apparaître dans tes jeux sous le nom de divers personnages. Alors, fantasme, clin d'œil ou narcissisme ?

Bruno Cathala : Alors, en ce qui concerne mes fantasmes.. j'ai bien d'autres idées en tête... mais on ne peut pas en parler ici...
Si tu regardes bien, ma caricature est présente dans la série des Mr Jack et Dice Town… et à chaque fois sous la plume de Pierô.
Ce clin d'œil, c'est son idée à lui de fonctionner de la sorte, et ça nous a amusés. Mais il ne s'agissait pas du tout d'une volonté de notre part.
Ceci dit... il y très probablement une certaine dose de narcissisme chez tous les artistes, qu'ils soient auteurs de jeux, comédiens, cinéastes, peintres, etc...
C'est cette dose (à consommer avec modération) qui permet de penser que ce que l'on a fait est au moins au niveau de ce que l'on peut trouver par ailleurs dans le domaine et mérite donc une exposition plus large que celle du cercle local et familial.

L'Etoile du Jeu : Plus sérieusement, à chaque jour son lot de sorties, et un très bon positionnement des créateurs francophones, comment expliques-tu l'ampleur du retour du jeu de société depuis ces dernières années ?

Bruno Cathala : Ouh là... plein de questions en une seule et qui mériteraient un débat de fond. Alors en deux mots:
Trop de sorties tue les sorties. Et si chacun est bien sûr libre de publier ce qu'il veut comme il le veut, la conséquence, c'est que même les grosses boutiques ne peuvent tout approvisionner et que certains jeux sont morts avant leur sortie.
Les créateurs français ne sont pas en meilleure place que d'autres (combien sont publiés à l'étranger ?). Et je pense que le retour du jeu de société est une illusion. Les joueurs, isolés jusque-là, se retrouvent et se fédèrent au travers du net, entre autres, mais le chiffre d'affaire des boutiques n'est pas en croissance significative. Ceci dit, dans une économie plutôt en crise, ne pas décroitre est déjà une victoire.

L'Etoile du Jeu : Bruno, pour l'Etoile du Jeu, accepterais-tu de lever le voile sur ton prochain projet ?

Bruno Cathala : C'est à dire que des projets, il y en a plein !!!
Dans les mois qui viennent, il y aura:
--Image--
- L'extension de Dice Town, qui va permettre de jouer de 2 à 6 joueurs, avec une action alternative pour chaque lieu, pour plus de fun et choix tactiques;
- L'extension de Cyclades , thématisée autour des Enfers (Hades et autres joyeusetés venues des tréfonds);
- Un jeu avec Antoine Bauza, avec des agents secrets et des fouilles tactiles (non, il n'y a pas de
contrepèterie);
- Toujours avec Antoine, Witty pong, dont on a parlé plus haut, si le montant nécessaire est réuni;
- Chez Hasgaard avec Ludovic Maublanc, un jeu sur l'arche de Noé;
- Et puis vers mars, un autre projet dont je n'ai pas le droit de parler, mais sur un autre type de support que ceux auxquels les joueurs "usuels" sont habitués;
- Et puis... plein de choses en projet... on verra bien !

NDR : Et comme Bruno Cathala est éminemment sympathique, il nous propose, en avant première, l'une des images de la future extension Dice Town (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

L'Etoile du Jeu : Enfin, pour nos lecteurs, quel est ton meilleur souvenir ludique ?

Bruno Cathala : Il y en a tant...
Mais je me souviendrai toujours de la première sortie du prototype des chevaliers de la table ronde.
On l'a sorti, avec Serge [NDR : Laget], un peu sur la pointe des pieds, lors des rencontres ludopathiques organisées par Bruno Faidutti.
Et puis ça a été immédiatement la folie, avec des gens s'inscrivant sur des listes pour ne pas rater la partie suivante.
Au point qu'on a dû sortir le second prototype. Et au point qu'on a fait que faire jouer aux chevaliers, non-stop, pendant 48 heures...
...et il nous aura fallu ensuite plus de deux ans pour trouver un éditeur !!!

L'Etoile du Jeu : Au nom de l'Etoile du Jeu, il ne me reste plus qu'à te remercier d'avoir pris le temps de me répondre, mais également pour tout le plaisir que tes jeux nous procurent. Je te laisse conclure.

Bruno Cathala : Cool... pour une fois que je sens que je suis sur le point de conclure ;-))

Pour d'autres interviews tout aussi intéressantes c'est ici.

Fabien D.