Le bluff selon Hervé Marly 

24/03
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illustration Bonjour les gens. Voici l'interview d'Hervé Marly faite à chaud pendant LudiNord. Sur la fin, Aurélie Degrave de Jeux'N CO est venue donner son avis sur deux, trois points.

Etoile du Jeu : Comment vivez-vous le succès d'un jeu (Loup-Garou de Thiercellieux) à la fois connu des gros joueurs mais aussi du (très) grand public ?

Hervé Marly : Comme une grosse surprise, tout simplement parce qu'au départ, le jeu avait été refusé par à peu près tous les éditeurs. La raison était qu'ils estimaient qu'il était difficile de rassembler au moins huit joueurs pour un seul jeu avec l'un d'eux qui ne joue pas vraiment puisque c'est le meneur (ndlr : comme dans un jeu de rôle, finalement). Aussi, ils visaient la frustration des joueurs qui perdaient rapidement. Ils ne devenaient alors que des spectateurs, qui cela dit, peut s'avérer extrêmement intéressant. Au début, j'ai investi pour la production et Philippe des Pallières (ndlr : le co-auteur du jeu) a apporté ses qualités d'auteur et d'éditeur. On a d'abord fait des pré-séries à la main. Le succès a été immédiat, ce qui nous a permis de fournir les premières copies officielles par l'intermédiaire d'Asmodée. Ensuite, l'inconvénient du nombre de joueurs prétendu par les éditeurs a été une force. L'avantage est que plus on joue à beaucoup, plus on a des chances d'avoir un nombre de joueurs satisfaits assurant le bouche à oreille par la suite. L'extension (ndlr : Nouvelle Lune) n'était absolument pas prévue à la base.

EDJ : Concernant vos expériences des nombreuses Nuits Loup-Garou qui naissent un peu partout... ?

H.M. : C'est au bout de trois ou quatre ans que des événements spéciaux autour du jeu ont vu le jour. C'est sans doute Parta Jeux (ndlr : association de Créteil, à proximité de Paris) qui a commencé à prendre ce genre d'initiatives. La meilleure représentation a été faite par Bertrand Vignon, ludothécaire à Nantes. Une soirée avait été organisée dans le château de Clisson où huit salles avaient été réquisitionnées. Chacune d'entre elles avait une thématique bien précise. C'était impressionnant. Tout le monde était déguisé.

EDJ : Passons maintenant au Fictionnaire : quelle a été la démarche ?

H. M. : Comme tu le sais, je me suis inspiré du jeu du dictionnaire. L'accessibilité du jeu d'origine était minime car il fallait avoir un français écrit parfait. Mon idée était de le rendre plus accessible en m'inspirant de Petits Meurtres et Faits Divers (ndlr : autre jeu de monsieur Marly basé sur le bagou et le bluff). Un joueur doit définir un mot mais n'en a pas la définition (qui est sur la carte mais cachée). Les autres joueurs proposent leur définition et peuvent, éventuellement, s'inspirer de la vraie définition ou la donner tout simplement. Le visuel de certains mots paraissant tellement absurde, alors qu'ils sont vrais et peuvent prêter à confusion. C'est ça qui est amusant.

EDJ : Concernant Skull & Roses : un parcours différent ?

H. M. : D'abord, on a vraiment réfléchi sur la thématique et le nom. On a commencé sur les animaux puis sur la nourriture… mais on trouvait ça trop léger et pas assez original. On est tombé sur le thème des bikers. On s'est dit « On peut faire des logos, des tatous, etc. Ça peut faire de très belles illustrations ». On a eu recours aux services de Rose Kipik pour les dessins et c'est exactement ce qu'il nous fallait.

EDJ : Pourquoi des cartes rondes ?

H.M. : Le problème des formats rectangulaires ou carrés, c'est que les coins se cornent facilement. Dans Skull & Roses, il est important que les cartes de chaque joueur soient indissociables sur la face cachée.

EDJ : Et les petits clins d'œil sur les cartes, par exemple celles des Loup-Garou ?

H.M : C'était une idée de Philippe, j'étais un peu contre au début car je n'ai pas envie qu'on ait l'impression que je n'ai fait que ça. Finalement, les gens adorent.

EDJ : : Combien de temps pour la gestation du jeu ?

H.M : En fait, Philippe m'a poussé à le faire mais je ne le sentais pas, à vrai dire. En 2010, lors du festival (du jeu) de Cannes, on a pris la décision de le présenter. Ca faisait une bonne dizaine d'années, avant Loup-Garou, que j'y travaillais.

EDJ : Quels retours avez-vous du jeu (Skull & Roses) ?

H.M. : C'est un jeu clivant : soit on aime, soit on déteste. Mais j'ai des très bons retours malgré tout.

EDJ : On entre-aperçoit quelques mécaniques présentes dans des jeux tels que Perudo, par exemple. (ndlr : Perudo fonctionne selon le même principe mais avec des dés)

H.M : Evidemment, le jeu fait partie du domaine de bluff comme Perudo mais dans Skull & Roses, il n'y a pas de hasard puisqu'il n'y a pas de dés. Aussi, le pari dans Perudo se fait à deux alors que dans Skull & Roses, chaque joueur peut être impliqué. Les joueurs peuvent préparer des pièges et embrouiller les autres.

Aurélie Degrave : Dans Skull & Roses, on ne dévoile pas forcément sa manière de bluffer.

H.M : En fait, on ne saura jamais si celui qui n'a pas retourné sa carte avait ou non défaussé sa carte « skull ».

Aurélie Degrave : On a aussi le choix de la montrer ou non… C'est vraiment vicieux (rire).

Aurélie Degrave : Vous pourriez préciser un peu le ressenti par rapport au Loup-Garou qui semble vous coller à la peau ?

H.M. : En effet, à force, ça pèse un peu. Après de longues séances de tests et de jeux, on a envie de passer vraiment à autre chose aujourd'hui. On n'anime quasiment plus de partie.

EDJ : Concernant le temps de conception de Skull & Roses, qu'est-ce qui explique un laps de temps si long ?

H.M. : Je voulais mélanger la simplicité et la subtilité. J'avais les émotions que je voulais intégrer dans le jeu mais je n'avais pas encore les mécaniques. À une époque, les gens ne voulaient pas trop tester mon jeu. La version finale est déjà la 9ème au moins, tu imagines. (rire)

Un grand merci au temps accordé par monsieur Marly et une très bonne continuation !

Gaël Barzin pour l'Etoile du Jeu. =)

Crédit photo : Sébastien Demasure

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Gaël B.